Alors que le gouvernement entend accélérer la création et le développement de tiers lieux en y investissant 110 millions d’euros.  Nous revenons sur le concept de tiers-lieux, les enjeux de leur émergence, et les clefs leur succès.

Les tiers lieux sont des espaces intermédiaires, qui ne sont ni de l’ordre de l’habitat, ni du lieu de travail. Ils prennent des formes variées, coworking, fablab, café ou encore ateliers de menuiseries et recouvrent le plus souvent plusieurs de ces activités. Véritables avant-gardistes de l’hybridation des ressources, les tiers lieux offrent avant tout la possibilité de faire ensemble, de partager des connaissances et des compétences.

Bien souvent portés par un collectif d’usagers, ces projets associent une grande variété d’acteurs, collectivités territoriales, associations, mais aussi partenaires privés.

C’est cette dynamique que le rapport « faire ensemble pour mieux vivre ensemble », issu des observations de Patrick Levy-Waitz, Président de la fondation travailler autrement, met en lumière. Loin d’être un phénomène marginal, les tiers lieux que l’on estimait au nombre de 600 sont en réalité 1 800 sur le territoire. La dynamique est telle que de nouveaux métiers émergent tels qu’animateur de tiers-lieux, ou de fablab.

Parmi les propositions faites dans ce rapport, la plupart se retrouvent dans le plan gouvernemental énoncé le 19 septembre dernier par le gouvernement.

Julien Denormandie, secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires a annoncé que 110 millions d’euros seraient investi sur le sujet d’ici 2021.  Ces financements seraient répartis de la manière suivante :

20 millions par an financé par l’Etat (soit 60 millions pour 3 ans), notamment à destination des projets en création,

40 millions de fonds d’investissements socialement responsable destiné à du prêt à taux soutenable,

10 millions de fonds de dotation alimentés par les entreprises.

Il ne faudra donc pas s’attendre à 110 millions de subventions, mais bien à 60 millions destinés à la création. L’aide à la pérennisation devra donc se faire par le recours au prêt

Ce plan fait émerger trois axes majeurs : créer 300 fabriques de territoires, développer les tiers lieux en zone rurale, et créer une instance nationale qui facilitera la professionnalisation, l’organisation et la structuration en filière.

Concernant le premier des 3 axes, les « 300 fabriques des territoires » seront principalement situées dans les zones rurales et quartiers prioritaires. Paris ces 300 fabriques il s’agira de créer des nouveaux espaces « là où la fracture sociale est importante » et de consolider des tiers lieux déjà existants. Cette consolidation sera notamment portée sur le modèle économique, et est censé aider les tiers lieux à trouver leur vitesse de croisière. En effet la variété d’activités des champs couverts par ceux-ci bien que très innovante, ne permet pas une gestion économique des plus simple.

L’ambition est aussi de former et de professionnaliser les tiers lieux et leurs acteurs, par la création d’une filière structuré. À la tête de celle-ci la SCIC coopérative des tiers lieux, qui appuie fortement la démarche. Notamment à travers sa pétition qui demande « la reconnaissance des tiers lieux dans l’indispensable transition sociétal » et dans laquelle ils réaffirment les valeurs de solidarité et d’ouverture qu’elles portent.

Il est peut-être ici, pour la première fois depuis longtemps une alternative économique et sociale portée par les citoyens, ancrées aux territoires et dont l’émergence portée par la base impose des mesures de soutien gouvernementales. Cependant, même si ce plan demeure une bonne nouvelle pour le développement de ces modèles, il faudra être vigilant à deux égards.

Tout d’abord à créer un modèle trop uniformisé, où l’on s’attacherait beaucoup aux modèles économiques sans attacher d’importance aux modes de gouvernance, et aux nouvelles idées. Ce qui en fragiliserai l’identité même d’innovation sociale que portent les tiers lieux.

Les baisses de financements des collectivités locales, faisant bien souvent que celles-ci ne puissent soutenir ces initiatives à hauteur de leurs désirs, alors qu’elles sont le plus souvent actrices et garante de l’ancrage local.

Mais sur ces points Patrick Levy-Waitz nous rassure « La gouvernance de ces nouveaux espaces collectifs est une première condition de leur réussite. Les entreprises jouent souvent le jeu car l’intérêt social rejoint l’intérêt économique. Mais la place de l’Etat et le rôle de la puissance publique comme garants de l’équité territoriale constituent une clé essentielle. L’Etat doit soutenir les collectivités locales non pas en faisant « à leur place » mais en leur permettant d’y arriver, pour que les tiers lieux qu’elles soutiennent se développent et atteignent leur vitesse de croisière »

Crédit photo : TiLiOS – Tiers Lieux Libres et Open Source, Tiers lieu.org