C’est dans un amphithéâtre plein, dans les nouveaux locaux de la Région situés à Saint-Ouen que s’est déroulée le 11 février dernier la deuxième Conférence Régionale de l’ESS en Île-de-France.

Pensées comme le rendez-vous des organisations, de la Région et de l’Etat autour de la stratégie de développement de l’ESS et de ses grandes orientations pour le territoire, les conférences régionales sont en principe l’occasion de débattre des moyens et résultats des politiques locales de développement de l’ESS. Les échanges qui en résultent ont vocation à permettre la formulation par les acteurs de propositions pour l’élaboration des futurs schémas ESS territoriaux.

Lors de l’ouverture de cette seconde conférence régionale, Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France a rappelé que le développement économique entrainait des exclusions et que la région francilienne illustrait particulièrement l’opposition entre dynamisme d’un territoire et intensité de ses inégalités. Elle a poursuivi en soulignant que l’ESS offrait des perspectives de démultiplication de l’impact social considérables. Néanmoins, elle déplorait qu’elle ne représente que 7,1% des salariés de la région alors qu’à l’échelle nationale l’ESS regroupe 10,5% des salariés. De ce constat, nous retiendront la réponse à ce qui est interprété comme la manifestation d’un retard de l’ESS francilienne en matière d’emploi, consistant à intensifier les efforts d’accélération de l’ESS régionale à l’image de ce qui peut être fait pour les start-ups.

Si la fiabilité des chiffres mobilisés par Valérie Pécresse ne peut être remise en question, l’hypothèse d’un retard de l’ESS Francilienne reste cependant à relativiser. En effet, si la part des salariés à l’échelle locale semble inférieure à celle de l’échelle nationale, en chiffres absolus l’Île-de-France reste la région qui concentre le plus grand nombre de salariés. Ce décalage s’explique notamment par un différentiel d’implantation des sièges d’entreprises à l’échelle nationale. Une plus forte concentration de sièges d’entreprises de l’économie classique peut être observée en Île-de-France, alors que le centralisme francilien des entreprises de l’ESS est moins important.

Accélérer l’ESS francilienne

Les interventions successives des représentant.e.s de la Région et de l’Etat ont permis de confirmer les orientations visant au changement d’échelle des structures de l’ESS. Il s’agit d’accentuer les dynamiques d’émergence de « premiers de cordée », ces « entreprises pionnières » identifiée grâce à leur « fort potentiel d’impact » en termes de création d’emploi et d’innovation sociale. Ces organisations sont susceptibles d’entraîner dans leur sillon d’autres structures de l’ESS, grâce aux aides et facilitations impulsées par la Région et l’Etat.

Le bilan présenté à l’occasion de cette seconde conférence régionale a permis de revenir sur les dispositifs UP (Innov’UP, TP’UP et PM’UP) aides financières de droit commun aux entreprises dont les objectifs pour ces prochaines années visent à accroitre de 40% la part des organisations de l’ESS bénéficiaires. Le nombre de bénéficiaires ESS devrait donc passer de 33 à 46.

L’Accélérateur animé par Inco Accenture et HEC a aussi été mis en avant, permettant de récompenser 10 lauréats sur 26 candidatures ESS en vue d’un accompagnement d’un an. La logique est ici aussi de consolider les quelques organisations lauréates et de leur permettre de renforcer leur impact sur le territoire. Si la qualité de l’offre ne fait pas de doute (et les adhérents de la CRESS nous le confirme) en revanche il n’est pas sûr que l’accompagnement renforcé restreint à ces 10 lauréats nous permette de constater une augmentation significative de l’emploi ESS en IdF.Ce premier volet consistant à « booster la croissance des entreprises à potentiel de création d’emploi » s’articule avec un second visant la « facilitation de liens d’affaires et de coopération ».

Ce second axe permet de mettre en lumière le Club Social Business, porté en partenariat avec REC innovation, l’ADIVE, Ashoka, KPMG et SocialcoBizz. Celui-ci vise la facilitation de montage de joint-ventures sociale par l’organisation de rencontres entre structures de l’ESS et grandes entreprises de l’économie classique. L’idée est de communiquer plus largement sur ces dispositifs afin d’inciter les acteurs à s’inscrire dans ses dynamiques, mais aussi de permettre aux structures de l’ESS de s’inspirer des bonnes pratiques d’entreprises classiques par le biais de l’émulation collective, dans le cadre d’un accompagnement ou de conventions d’affaires.

Les interventions se retrouvent aussi quant à l’objectif de renforcer l’accès aux marchés publics, notamment par le biais de clauses sociales. Il s’agit d’inciter un recours plus fréquent à l’emploi en insertion. Ce n’est d’ailleurs plus qu’une question de semaines avant que ne soient publiés une liste des marchés réservés IAE. Une attention particulière en matière d’emploi des personnes en situation de handicap et aux entreprises adaptées a aussi été soulevée.

Enfin le troisième volet ambitionne « d’améliorer l’organisation territoriale de l’ESS », la CRESS y est reconnu comme acteur central, mais là aussi il est frappant de voir la convergence des vues entre la Région et l’État notamment avec la déclinaison du Label French Impact sur les territoires. Fin février, ce sont 20 territoires qui ont été retenus pour cet appel à projet. Coté Région la focal Bassin d’emploi rappelle cette approche. De plus la déclinaison du plan tiers lieu présenté en fin d’année 2018 devrait pouvoir conforter l’action des tiers lieux et des incubateurs présentés lors de cette conférence régionale comme des acteurs clefs de l’animation des dynamiques ESS sur le territoire.

Une dynamique ESS francilienne à deux vitesses

Eric Forti, président de la CRESS IdF a clos les propos introductifs de cette conférence régionale en rappelant que si la CRESS partageait l’objectif de développement de l’ESS sur le territoire francilien, les dispositifs visant l’émergence de « premiers de cordée » ne pouvaient suffire à eux seul à faciliter la création de synergies coopératives entre structures. Il faudra sortir de la logique individuelle de pionniers pour inclure les territoires dans cette réflexion globale de schéma de développement de l’ESS notamment en se reposant davantage sur des initiatives collectives telles que celles portées par les PTCE.

Par ailleurs, les dispositifs mentionnés dans ce bilan concernent peu les associations, alors même que celles-ci constituent 77% de l’emploi dans l’ESS, principalement dans les secteurs de l’action sociale, l’enseignement et la santé. S’il s’agit de renforcer le potentiel de création d’emploi dans l’ESS, ces organisations ne peuvent être mises de côté. Pour les intégrer à la conférence il aurait été souhaitable de décloisonner l’organisation de la conférence en invitant les services et les acteurs des secteurs d’activités à fort potentiel de développement (petite enfance, social, sport, politique de la ville…)

Pour éviter de s’orienter vers un schéma territorial de développement de l’ESS qui ne concernerait qu’une partie restreinte des organisations, il semble indispensable de renforcer les liens État, Région et CRESS pour accompagner le développement des associations entrepreneuriales.

Vers le renforcement des liens avec la CRESS

Opératrice du développement de l’ESS sur le territoire régional, la CRESS soutien les dynamiques d’accélération, tout en favorisant la mise en réseau des acteurs (temps de rencontre), le développement de leurs affaires (ESSpresso) ou encore l’identification de filière d’avenir et la proposition de piste pour la structuration de celles-ci (observatoire et accompagnement).

Seules les dynamiques de co-construction permettront de renforcer l’ESS à l’échelle régionale.

Si les orientations de l’État et de la Région se sont révélées globalement univoques sur les questions « d’accélération » (marchés clausés, conventions d’affaires, accompagnement d’initiatives à fort potentiel d’innovation sociale, etc.), de nombreux acteurs ont regrettés l’absence d’échanges avec la salle, lors de la présentation du bilan et des orientations en matière d’ESS. Les ateliers ont certes permis d’être plus participatif, néanmoins les échanges ont pu être parfois frustrant, ne permettant de faire remonter que peu de propositions ou points d’attention sur les thématiques et orientations présentées.

Des annonces ambitieuses et non moins nécessaires ont été portées à la connaissance des acteurs du secteur lors de cette conférence (IAE, tiers lieu, entreprises adaptées, French Impact territoire, etc.), le temps devrait permettre d’apprécier la mise en œuvre des orientations et l’évaluation quantitative des objectifs fixés.