« On parle toujours de la violence du fleuve jamais de celle des rives qui l’enserrent »
B. Brecht

A Paris, le 7 janvier 2015, trois néo-nazis ont  fusillé à bout portant la Liberté. Les pertes humaines, artistiques et symboliques sont considérables. Il revient à nos mémoires, des souvenirs par milliers.
Douce France, le pays de notre enfance… jalonnée par les claques vivifiantes distribuées par ces géniaux dessinateurs impertinents aujourd’hui disparus.  Submergés par l’émotion, des millions de citoyens sont sortis dans la rue pour se voir, s’écouter, se toucher pour repousser la mort et redonner du sens à la vie. Nous sommes tous Charlie, Ahmed, Yoann et les autres… La Fraternité a fait le boulot ! La Liberté semble préservée mais pour combien de temps ?
Après le choc émotionnel,  viennent les questions. Comment a-t-on engendré ces monstrueux nihilistes ? Qui sont-ils ? Ne sont-ils pas  issus de nos logiques capitalistes, guerrières et colonialistes ? N’ont-ils pas utilisé les armes fabriquées par nos industries et vendues par nos États ? Ils aspirent à détruire notre civilisation parce qu’ils ne s’y voient pas briller.

L’égalité d’accès aux droits, fondatrice de la République, n’a pas fonctionné pour ces trois-là.  
Depuis plusieurs années, l’école ne comble plus les inégalités sociales, mais les aggrave. Les orientations scolaires sélectives génèrent de plus en plus de jeunes « décrocheurs », signe d’un manque d’efficacité globale du système éducatif. Ils sont estimés à près de 25 000 par an en Île-de-France. Les inégalités d’accès à l’emploi se creusent aussi. La première insertion sur le marché du travail des immigrés et des enfants d’immigrés est plus difficile que celle des autres jeunes. La situation d’extrême tension du logement en Île-de-France rend problématique leur installation dans un logement autonome, et donc leur émancipation.
Mal ou pas logés, mal ou pas formés, ils errent de stages en petits boulots ou en emploi aidé. Les plus paumés sombrent dans la délinquance. Et quand ils sont emprisonnés, les professionnels du crime sèment dans leur conscience affaiblie l’espoir d’une mort glorieuse pour une cause qu’ils ne connaissent même pas.
L’ensemble des acteurs de l’ESS se bat contre la politique d’austérité budgétaire qui remet en cause l’efficacité de leur travail. Aujourd’hui plus que jamais, il est impérieux de financer, à la hauteur des enjeux, l’éducation, la formation, l’insertion, la culture, l’action sociale. Rendons aux jeunes en difficulté, de plus en plus nombreux, le pouvoir de briser ce plafond de verre sous lequel ils n’en peuvent plus de voir la société évoluer sans eux.
Malgré ce triste début 2015, gardons le courage d’oser l’innovation sociale, politique et économique.

Éric Forti
Président de la CRESS Ile-de-France

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