Dans la droite ligne des accords signés l’an dernier à l’échelle nationale, la CRESS Ile-de-France et l’UDES Ile-de-France, organisation patronale multi-professionnelle représentative de l’économie sociale et solidaire, viennent de signer un protocole de coopération ambitieux, qui vise à favoriser la coordination de leurs politiques territoriales au service du développement de l’économie sociale et solidaire sur le territoire francilien. Retour sur les ambitions et les enjeux de ce protocole d’accord avec Eric Forti, président de la CRESS Ile-de-France, et Henri Borentin, délégué régional UDES Ile-de-France.

Pourquoi ce protocole de coopération est-il important pour vos organisations ?

Henri Borentin, UDES Ile-de-France : Nous avons beaucoup souffert de la représentation de l’économie sociale et solidaire, trop enfermée dans ses modalités juridiques ou institutionnelles, trop peu en prise avec les réalités de terrain. Mais regardons comment fonctionne le Medef, dans le secteur marchand : c’est une organisation qui fonctionne bien. Notre protocole d’accord précédent portait sur les grands principes, pas assez sur les réalités de terrain. Il faut changer cela. Il est indispensable de faire fonctionner ensemble la chambre consulaire de l’ESS et l’organisation patronale représentative du secteur.

Eric Forti, CRESS Ile-de-France : Ce qui a défini l’économie sociale et solidaire, ce ne sont pas les activités, ni les structures juridiques. Ce sont les principes : gouvernance, développement territorial, construction du projet de l’entreprise… Il est temps que les employeurs de l’ESS et tous ceux qui oeuvrent à la défense des intérêts de l’ESS se mettent en convergence avec les objectifs des acteurs entreprenants de l’ESS. Promouvoir l’ESS, c’est faire valoir et partager nos principes avec le plus grand nombre d’acteurs économiques, et pourquoi pas modifier le système économique actuel en imprégnant l’entreprise en général avec nos valeurs.

Face à la crise actuelle, en quoi vos organisations sont-elles complémentaires ?

Eric Forti : Nous avons l’absolue nécessité de diagnostiquer et d’évaluer très rapidement les dégâts de cette crise sur nos entreprises. Les acteurs de l’ESS sont particulièrement mis à l’épreuve durant cette crise compte tenu des réponses à fournir d’urgence. C’est notamment le cas dans le secteur sanitaire et social, dans la distribution alimentaire, ou encore dans l’aide sociale à apporter aux plus précaires. Par ailleurs, nous devons nous demander comment accompagner la transition, plus que jamais nécessaire pour nous préparer à affronter les prochaines crises systémiques. Nous devons nous attacher à trouver des solutions aux problèmes de société qui s’annoncent.

Henri Borentin : Le rôle de l’Udes est d’abord d’examiner les dégâts de cette crise sur l’emploi dans l’ESS, notamment sur l’emploi associatif qui en constitue la plus grande part. Nous n’avons pas encore tous les éléments de mesure, mais nous observons déjà de grandes difficultés. A l’UDES, nous avons un Groupe de dialogue social qui travaille en concertation avec les centrales syndicales et qui se penche sur ces questions. Dès lors, nous allons regarder comment faire évoluer le Code du travail, sur le télétravail par exemple, mais pas seulement.  Enfin, alors que nos travaux portaient jusque là plutôt sur une échelle nationale, nous allons réfléchir davantage à l’échelle régionale.

Quels sont vos chantiers prioritaires pour les mois qui viennent ?

Eric Forti : La perspective des élections régionales ouvre un temps politique important pour l’ESS. Les exécutifs régionaux ont des compétences presque exclusives sur le développement économique. Ce sont eux qui pilotent les dispositifs publics qui accompagnent le développement de l’ESS sur les territoires, à côté de l’Etat bien sûr. Or, le dimensionnement des structures de l’ESS nous rend prioritaires en matière d’emploi : par nature, nous créons en effet des emplois locaux et non délocalisables, puisque nous produisons des réponses aux besoins des habitants d’un territoire et puisque les entrepreneurs de l’ESS ne sont pas dans une logique de lucrativité qui viserait à produire pour s’enrichir. Pour ces raisons, nous devons impérativement construire une relation avec ces pouvoirs publics, qui considèrent depuis trop longtemps, dans une logique libérale, que l’ESS doit s’affranchir des pouvoirs publics. En réalité, il est dans les gênes de l’ESS de s’appuyer sur les pouvoirs publics pour développer des politiques de territoires, dans des logiques de collaboration, de partenariat et de co-financements.

Henri Borentin : Les élections départementales et régionales sont en effet un temps important. Nous devons démontrer aux politiques que l’ensemble de l’ESS, pas seulement l’insertion par l’activité économique, pas seulement les structures ESUS, apporte des réponses pertinentes aux difficultés du moment. Enfin, en Ile-de-France, nous devons travailler davantage avec les municipalités pour développer l’ESS dans le cadre de leurs politiques municipales. Nous devons aussi réussir à travailler sur les bassins d’emploi. L’Ile-de-France, c’est un quart de la richesse du pays, ne l’oublions pas.