L’ESS une économie à part entière mais néanmoins à part : les gestes barrières pour éviter la catastrophe sociale et écologique !

L’Economie sociale et solidaire repose sur deux principes caractéristiques :

Les acteurs individuels et collectifs de la société civile traduisent, par la création d’entreprises de l’ESS, leur volonté de produire les biens et les services nécessaires pour répondre aux besoins du territoire.

Quand leur production est jugée d’utilité sociale, le développement des entreprises de l’ESS s’appuie nécessairement sur un partenariat avec les pouvoirs publics.

Ces deux principes mettent aussi en évidence ce que n’est pas l’ESS.

L’ESS n’est pas une économie basée sur la consommation à outrance de biens et services dont les personnes n’ont pas besoin, elle n’est pas une économie dispendieuse, gaspillant les ressources. Elle n’est pas non plus une économie spéculative ou assise sur une rente ou un monopole.

Les pouvoirs publics l’ont d’ailleurs bien compris, ils soutiennent des initiatives ou achètent aux prix les plus bas les services produits. Comme le but de l’ESS n’est pas l’exploitation marchande mais une réelle utilité sociale de ses services, elle accepte cette situation qui dégrade ses résultats financiers. Cette réalité n’est pas sans conséquence : baisse des fonds propres, cessation de certaines activités, hausse de l’endettement…

Dans ce contexte de crise sanitaire, économique et désormais politique, l’ESS fait face, plus que jamais, à une situation paradoxale. Nos structures sont souvent en première ligne : elles soignent, accompagnent, nourrissent et approvisionnent la population. L’ESS représente une part considérable de ces métiers du lien qui sont, avec les services publics, le cœur battant de notre « résistance » à l’épidémie (29% des aides à domicile, 26% des agents de services hospitaliers, 21% des aides-soignants, 16% des infirmiers, 72% des aides médico-psychologiques…).

Mais derrière cette première ligne, très nombreuses sont les entreprises et associations de l’ESS agissant dans des secteurs essentiels à la vie économique et sociale, comme la culture, l’éducation, la formation, le sport, les loisirs, l’insertion par l’activité économique, la cohésion sociale, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, qui ont dû arrêter leurs activités pour des raisons sanitaires. Dans le même temps, elles ont mobilisé le bénévolat pour maintenir des relations avec les adhérents et bénéficiaires : dans 64% des associations pour prendre des nouvelles, dans 48% pour relayer utilement les messages officiels, dans 28% pour proposer des animations et des activités à distance (quiz, jeux, échanges sur un sujet…), dans 11% pour guider les adhérents dans des démarches administratives …. Depuis, les dirigeants de ces entreprises sont dans l’incertitude concernant leurs conditions de redémarrage. Ils doutent de leur situation financière dont 23 % ont une trésorerie inférieure à 3 mois et des moyens humains mobilisables à l’issu du confinement.

Alors que les médias débordent d’appel à faire de nos activités la norme de la société d’après, de nombreuses perspectives de faillites ne sont pas exclues. Autant de suppressions d’emplois et de cessations d’activité laissant augurer des bouleversements sociaux importants dont les ordres de grandeur sont encore difficiles à appréhender.

Certes, les dispositifs de soutien mis en place en urgence par le Gouvernement et le Conseil régional, permettent de soutenir globalement l’activité économique, mais il demeure des failles qui résultent de la difficulté récurrente à reconnaître les spécificités des organisations de l’ESS, et particulièrement celles des entreprises et associations non lucratives, non fiscalisées ou ne disposant pas de capitaux en garantie d’emprunt.

Si les dispositifs d’indemnisation du chômage partiel sont globalement efficaces, ils ne sont pas accessibles aux très petites entreprises qui sont nombreuses dans l’ESS à n’employer que des temps partiels. Ajoutons à cela des associations culturelles, sportives ou artistiques dont la production repose essentiellement sur l’engagement de bénévoles ou de volontaires dont la coordination, la formation et la gestion génèrent néanmoins des dépenses de fonctionnement difficiles à couvrir après plusieurs mois de fermeture.

Les critères de la BPI en matière de garanties excluent aujourd’hui sciemment des milliers de structures employeuses de l’ESS francilienne. Les garanties d’emprunt et les fonds de solidarité aujourd’hui mis en place en Ile-de-France par les représentants de l’Etat fixent des conditions statutaires, fiscales et des seuils de chiffre d’affaires qui rendent inéligibles la plupart des entreprises de l’ESS (Associations, Structure d’insertion, CAE…).

Il faut que la Région nous aide à faire réviser ces critères et qu’elle complète la palette des dispositifs de soutien, comme « Résilience », qui semble mieux adaptés aux entreprises  de l’ESS.

Parce-que le recours à ces aides suppose un endettement des structures, il ne doit se faire indépendamment d’un accompagnement. Les dispositifs largement ouverts pour appuyer l’ensemble de l’ESS comme le Dispositif Local d’Accompagnement (600 structures accompagnées par an) ne sont pas soutenus par le conseil régional, ce qui ne lui permet pas de répondre à toute les sollicitations.

Il ne s’agit pas seulement de trésorerie, les chiffres d’affaires perdus dans de nombreux secteurs ne seront jamais rattrapés. Pour rebondir, nos entreprises n’ont pas seulement besoin de prêts, mais aussi d’aides directes et d’apport en fonds propres. Ce sont des dizaines de milliers d’emplois dans des activités essentielles qui sont en jeu.

A la suite d’un courrier adressé le 22 avril à la présidente de la région Ile-de-France et resté sans réponse, l’ensemble des dirigeants de réseaux et d’entreprises de l’ESS rassemblés à la CRESS appelle à la prise de conscience des pouvoirs publics franciliens de l’importance d’une reconnaissance urgente des spécificités de l’ESS et la mise en œuvre d’une réponse tout aussi urgente de soutien permettant de préserver leur action.

Les principes et les valeurs qui nous animent ouvrent des possibles solutions aux crises écologiques, sociales et économiques qui s’annoncent, partageons-les pour mieux les affirmer.

Tribune des membres de la CRESS