Une présidence française de l’Union Européenne active, y compris pour l’ESS
Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne pour la première fois depuis 14 ans. Chaque État membre assure ainsi, par rotation, la présidence du Conseil de l’Union européenne pendant six mois. Cette présidence est chargée de conduire les travaux de l’ensemble des réunions du Conseil de l’UE. La présidence veille également à une bonne coopération entre tous les États membres et assure les relations du Conseil avec les institutions européennes, notamment la Commission et le Parlement européen.
Les priorités de la présidence française
Le fil rouge de cette 13ème présidence française est le renforcement de la souveraineté européenne dans tous les domaines. Les priorités françaises, dont la devise est “Relance, puissance, appartenance”, s’articulent autour de trois axes : “une Europe souveraine”, “un nouveau modèle européen de croissance” et “une Europe à taille humaine” en cohérence avec le programme du « trio » des présidences. Ce système, qui existe depuis 2009, permet de fixer des objectifs à long terme et de définir les grands thèmes qui seront traités pendant une période de 18 mois. La France entame un nouveau cycle. Elle travaille en trio avec la République tchèque pour le second semestre 2022 et avec la Suède pour le premier semestre 2023. Les trois pays ont listé quatre priorités : protéger les citoyens et les libertés, développer un modèle de croissance européen, construire une Europe neutre pour le climat, écologique, équitable et sociale ainsi que promouvoir les intérêts et les valeurs de l’Europe dans le monde. Des thématiques qui ne laisseront pas insensibles les acteurs et actrices de l’ESS.
Développer l’économie sociale et solidaire en Europe
La présidence française est le moment idéal pour donner une impulsion forte au développement du secteur de l’ESS, qui regroupe plus de 13,6 millions de salariés en Europe (2,5 en France) et près de 3 millions d’organisations (250 000 en France). Représentant jusqu’à 10% du PIB dans certains pays de l’UE comme la France, l’Espagne et l’Italie, il constitue une réponse d’avenir aux défis climatiques et sociaux. A ce titre, l’économie sociale a été identifiée par la Commission européenne comme l’un des 14 écosystèmes susceptibles de renforcer la résilience de l’Europe. C’est sous la présidence slovène que le plan d’action européen pour l’économie sociale à l’horizon 2030 a été publié en décembre 2021. Dans la continuité de cette dynamique, la présidence française l’a mis en œuvre, en février 2022, avec la première conférence informelle des ministres européens en charge de l’économie sociale, avec la participation de Nicolas Schmit, commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux et 23 États membres représentés. Présidée par Olivia Grégoire, secrétaire d’État à l’Économie sociale, solidaire et responsable, cette conférence a permis un travail collectif qui prépare les discussions sur une future recommandation du Conseil sur le développement des conditions cadres de l’économie sociale en 2023. Par la suite, toutes les parties prenantes de l’ESS étaient conviés les 5 et 6 mai à Strasbourg autour de « L’économie sociale, le futur de l’Europe ». L’objectif était de montrer la considérable vitalité et l’engagement fort de l’ESS en Europe, à travers des conférences, des temps d’échanges et de partages d’initiatives. Pour tous les acteurs de l’ESS, la reconnaissance européenne de l’économie sociale doit changer d’échelle et être envisagée de façon concrète. La présidence française a pour objectif d’articuler toutes les recommandations, notamment de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l’organisation internationale du travail (OIT), les avis du comité économique et social européen (CESE) et publications en faveur de l’ESS.
La parole aux citoyens
Dans une démarche participative, manière de faire connue des acteurs et actrices de l’ESS, la Conférence sur l’avenir de l’Europe a pris fin le lundi 9 mai au Parlement européen à Strasbourg. Important exercice démocratique participatif mené dans les 27 États membres préparé depuis un an, via une consultation de l’ensemble des pays de l’Union européenne (UE), son objectif était de donner aux citoyens la possibilité d’exprimer ce qu’ils attendaient de l’UE. 800 citoyens ont été tirés au sort à travers toute l’Europe et environ 40 000 contributions ont été déposées sur la plateforme numérique citoyenne. La cérémonie de clôture fut l’occasion de présenter de nombreuses pistes pour penser l’Union européenne de demain. Cet exercice a abouti à un rapport axé sur 49 propositions incluant des objectifs concrets et plus de 320 mesures pour que les institutions de l’UE assurent un suivi autour de 9 thèmes : environnement, santé, économie/justice sociale, l’Europe dans le monde, valeurs/état de droit, transformation numérique, démocratie européenne, migrations, éducation/jeunesse/sport. Parmi celles-ci, il a été demandé de mieux orienter les subventions vers l’agriculture biologique, de pouvoir voter aux élections européennes dès l’âge de 16 ans, de tenir périodiquement des assemblées de citoyens, de mettre fin à la règle de l’unanimité au Conseil de l’UE, d’accorder au Parlement européen le droit d’initiative des lois européennes et d’autres mesures qui nécessiteraient une modification des traités européens. Après la remise du rapport, la prochaine étape sera d’examiner « comment y donner suite d’une manière efficace »
Des mesures qui tracent des pistes pour l’Europe de demain
Toute une série de mesures ou projets qui sont de nature à agir sur le fonctionnement européen ou à réorienter certaines politiques ont également été prises au cours de la présidence française. Ainsi, le sommet de Versailles, qui s’est tenu les 10 et 11 mars, devait s’orienter sur le projet d’un “nouveau modèle de croissance”, qui pourrait définir l’Europe de 2030. En raison de la guerre en Ukraine et de ses conséquences, le sommet s’est finalement centré sur les sujets de défense et d’énergie. Il a d’ailleurs été fixé comme objectif de sortir d’ici à 2027 de la dépendance européenne au gaz, au pétrole et au charbon russes.
De même, un nouveau mécanisme conditionnant le versement des fonds de l’Union européenne au respect de ses valeurs, adopté en décembre 2020, a été validé par la Cour européenne de justice de l’UE le 16 février dernier. Mais son déclenchement, là encore, a été mis en veille à la suite de l’invasion russe en Ukraine.
Un autre dossier a été débloqué sur le sujet du commerce. Le 14 mars, l’instrument de réciprocité dans l’accès aux marchés publics a fait l’objet d’un accord après 10 ans de négociations. Il sera possible de limiter l’accès aux appels d’offres européens pour les entreprises issues de pays hors-UE n’offrant pas aux sociétés européennes des conditions similaires d’accès à leurs marchés publics.
Égalité Hommes/Femmes
Sous la présidence française, les États membres ont aussi trouvé un compromis sur le sujet de l’égalité femmes-hommes dans les conseils d’administration des entreprises. Les négociations étaient bloquées depuis des années mais les ministres de l’Emploi et des Affaires sociales ont arrêté leur position le 14 mars. Reste à trouver un terrain d’entente avec le Parlement.
Environnement
Le 15 mars dernier, un accord a été trouvé entre les ministres des Finances sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, souvent comparé à une “taxe carbone” aux frontières de l’UE. L’objectif est d’inciter les États extra-européens à mener des politiques climatiques plus ambitieuses, en imposant un surcoût aux marchandises qui ne respecteraient pas les mêmes normes que celles produites par les entreprises européennes en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Le Conseil pourra ainsi commencer les négociations avec les eurodéputés une fois que ces derniers auront arrêté leur position sur le projet.
Numérique
Deux règlements importants avaient été proposés par l’exécutif européen :
- Le règlement sur les marchés numériques (Digital Markets Act, ou DMA) qui doit encadrer les activités économiques des plus grandes plateformes en améliorant la concurrence sur les marchés numériques.
- Le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, ou DSA) qui vise à mieux réguler la diffusion de contenus illicites (harcèlement, pédopornographie…) comme la vente en ligne de produits interdits.
Le premier a fait l’objet d’un accord entre les institutions de l’UE et il s’appliquera à partir d’octobre 2022. Concernant le second, les négociations sont plus complexes. La présidence française compte “poursuivre ses efforts” et aboutir à un compromis avant la fin du mois de juin.
Jeunesse
Pour conclure cette année 2022 officiellement consacrée à la jeunesse, le chef de l’État français a imaginé plusieurs initiatives. En juin prochain, une réunion des universités d’Europe devrait se dérouler et les derniers mois de la présidence française pourraient être l’occasion de concrétiser l’idée d’un service civique européen “de six mois, ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d’apprentissage, un stage ou une action associative”. Une façon de passer le relais aux générations futures, celles qui construiront l’Europe demain.
Autour de « L’économie sociale, le futur de l’Europe »
https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/evenements/l-economie-sociale-le-futur-de-l-europe-1/
La Conférence sur l’avenir de l’Europe
https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/qu-est-ce-que-la-conference-sur-l-avenir-de-l-europe/
La Cour européenne de justice de l’UE (CJUE)
https://www.touteleurope.eu/institutions/la-cour-de-justice-de-l-union-europeenne-cjue/